Coup de poker dans le secteur du cahier au Maroc

Coup de poker dans le secteur du cahier au Maroc

  • By Admin
  • Published on 24/11/2017
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Faites vos jeux, Rien ne va plus ! Telle est l’impression laissée par le rapport préliminaire publié par le Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie Numérique en ce qui concerne l’enquête antidumping menée au sujet des importations de cahier tunisien, depuis un an. Pour rappel, cette enquête a été initiée à la demande de la branche de production nationale, et a donné lieu à des conclusions dramatiques en ce qui concerne le niveau de mesures provisoires à appliquer au cahier tunisien, de l’ordre de 30 à 50%. 

 

Un coup de bluff plutôt réussi donc, de la part de la branche de production nationale, puisqu’elle s’accapare 65% du marché marocain contre 30% pour le cahier tunisien et qu’elle mène une politique d’investissement intensive et de concurrence agressive, caractérisée par une guerre des prix la menant à des pratiques déloyales au regard de la loi. En effet, sur les 5 dernières années les investissements de la branche de production nationale ont largement augmenté, principalement pour accroître les capacités de production (plus de 80 Millions de dirhams). Les efforts ainsi consentis semblent payer, à en juger des 22% de croissance enregistrée sur les 4 dernières années pour la production nationale. 

 

Pendant ce temps, les importations tunisiennes se sont stabilisées sur les 4 dernières années autour de 89% des importations de cahier, avec une croissance annuelle moyenne de 3%, et des marges faibles. Par ailleurs, une analyse des prix publiques du cahier montre que le cahier tunisien se vend plus cher que le cahier local, et ce en raison des coûts d’importations mais aussi d’une meilleure qualité offerte par ce dernier. En effet, la qualité du cahier tunisien est validée par des certifications reconnues internationalement et répond aux normes européennes en vigueur. 

 

Si on déroule le flop et qu’on analyse les détails, sur le principe, l’application de mesures antidumping ne peut se faire qu’après preuve de l’existence d’un dumping et d’un préjudice réel, le dumping se caractérisant par la vente sur les marchés internationaux à des prix plus bas que sur les marchés locaux, parfois même plus bas que le coût de revient, pour des opérations bénéficiaires dites normales. En l’état, les produits importés au Maroc sont spécifiques et personnalisés en fonction des cahiers de charge de chaque importateur détenteur de sa marque propre. Un comparatif juste avec la configuration en Tunisie ne peut donc avoir lieu, d’autant plus que le cahier local tunisien est subventionné par l’Etat. Quant au préjudice, sur la base des chiffres cités et du rapport d’enquête, son existence serait à remettre en cause, surtout en l’absence de liens de causalité avérés et de preuves réelles. 

 

Malgré tout, la branche de production nationale se réjouit de son brelan et augmente la mise et de facto ses prix comme annoncé par MAPAF à ses clients en février 2018, ce qui pose la question des impacts potentiels de la mise en place d’une mesure de défense de la production nationale, dans un contexte économique difficile.

 

En effet, il semblerait que ceci désavantage in fine le consommateur marocain. La mise en place d’une mesure de 30 à 50% augmentera de manière non maîtrisée le prix du cahier importé, au delà des niveaux psychologiquement acceptables pour l’élève et l’étudiant. La conséquence logique serait l’arrêt de l’importation en provenance de Tunisie, l’abandon du secteur par certains importateurs et la réduction encore plus drastique des marges pour d’autres suite à la recherche de nouvelles sources d’importation. Il reste que la libération de 30% du marché fera émerger, au mieux une monopolisation par la branche de production nationale qui hausse déjà ses prix, et au pire, une pénurie de cahiers dans le marché marocain. 

 

Rien n’est encore joué, puisque le 30 avril dernier, la séance d’audition publique organisée par le ministère a permis d’afficher une turn qui remet la balle au centre. En effet, suite à la confrontation des éléments et des différents points de vue entre producteurs locaux, producteurs tunisiens, importateurs marocains et représentants officiels des gouvernements des deux pays, le ministère a décidé d’approfondir encore l’étude pendant 6 mois avant de prendre une quelconque décision, afin de s’assurer de la validité des informations en sa possession et du respect de la législation internationale en termes d’échanges commerciaux telle qu’énoncée par l’Organisation Mondiale du Commerce. Dans l’attente de l’épilogue, l’espoir reste que le citoyen marocain ne soit pas lésé et que le jeu de la concurrence soit assuré pour permettre la stabilisation du marché.

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